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L’émeraude, qui compte parmi les quatre précieuses, est une pierre particulièrement appréciée. Et aujourd’hui sa couleur verte a les faveurs de la mode. Gemmologue et enseignante à l’Institut National de Gemmologie, Marie-Perle Harment explique les atouts des émeraudes, en particulier celles de Colombie, qui sont les plus prisées et sur lesquelles elle s’est spécialisée.
L’OFFICIEL HORLOGERIE & BIJOUTERIE : Quels sont, d’une manière générale, les atouts de l’émeraude dans la création bijoutière et joaillière ?

MARIE-PERLE HARMENT : En premier lieu, elle figure parmi les quatre précieuses. Et, parmi celles-ci, l’émeraude est la plus vendue après le diamant. Ce n’est pas un hasard. Cette pierre se démarque par sa beauté, son inaltérabilité et sa rareté. Sa beauté réside dans sa belle couleur verte. Si on la dit fragile, c’est à tort car sa dureté de 7,5 sur l’échelle de Mohs est très correcte… mais il est vrai que c’est une pierre très incluse donc il faut faire attention aux chocs. Enfin, ajoutons, dans les atouts de l’émeraude, le fait de pouvoir avoir de gros caratages.

L’OHB : Vous évoquiez la rareté de cette pierre. En quoi est-elle plus rare que les autres précieuses ?

M.-P. HARMENT : L’émeraude est un vrai miracle de la nature car elle n’aurait jamais dû exister. C’est une variété de béryl contenant du chrome et/ou du vanadium. Or ces éléments ne se trouvent pas dans les mêmes strates de la croûte terrestre. Le chrome et le vanadium évoluent dans des couches bien plus profondes que le béryllium et leur rencontre est totalement improbable. Il faut un accident géologique ou un paradoxe géochimique pour que la rencontre se fasse.

L’OHB : Parmi les émeraudes, celles de Colombie sont les plus prisées. En quoi se différencient-t-elles ?

M.-P. HARMENT : Ce sont les plus belles ! Elles se distinguent par leur pureté, leur couleur menthe à l’eau et leur vivacité. Ces caractéristiques s’expliquent par des phénomènes géologiques. L’émeraude de Colombie est née d’un paradoxe géochimique doux lié aux fluides hydrothermaux qui ont permis la rencontre de ses éléments constitutifs. En outre, l’émeraude colombienne bénéficie d’une longue et belle réputation dans l’histoire de la joaillerie. En Europe, elle est connue depuis le XVIe siècle et son exploitation n’a jamais déçu. Aujourd’hui encore la Colombie reste le premier producteur avec près de 200 mines en activité de part et d’autre de la cordillère des Andes. Bien sûr on y creuse de plus en plus profond, avec des études géologiques préalables et du matériel qui coûte cher !

L’OHB : Comment évolue le marché de l’émeraude colombienne… et son prix ?

M.-P. HARMENT : Après un sérieux coup de frein lié à la pandémie du Covid, qui a quasiment mis en arrêt l’activité en Colombie, c’est reparti de plus belle. Aujourd’hui il y a un réel engouement et les prix ont explosé. Par rapport à ceux de 2018, ils ont été multipliés par deux. Sachant que l’émeraude est une pierre rare, la hausse n’a aucune raison de s’arrêter, même si, bien sûr, elle devrait revenir à des niveaux plus raisonnables.

L’OHB : Quels sont les autres lieux de provenance importants aujourd’hui ?

M.-P. HARMENT : Dans la seconde partie du XXe siècle, on a découvert d’importantes mines en Afrique, en particulier en Zambie qui est devenu le deuxième producteur d’émeraudes… mais, personnellement, je trouve ces pierres moins belles que celles de Colombie ! Il y a aussi des émeraudes en Afghanistan. Elles sont très belles mais leur production est limitée, compte tenu du contexte politique et du manque de matériel. Citons aussi le Brésil ou encore Madagascar… bien que ces pays ne jouent pas, à mon avis, dans la même catégorie que la Colombie en termes de qualité.

L’OHB : Que représentent les émeraudes synthétiques sur le marché ?

M.-P. HARMENT : Il y en a assez peu car leur production est chère… et elles sont facilement reconnaissables. En revanche, ce qui est fréquent ce sont les traitements pour améliorer l’esthétique des pierres (huilage …). Évidemment ils affaiblissent leurs prix.

L’OHB : Quelle place occupe l’émeraude dans la création bijoutière et joaillière en France ?

M.-P. HARMENT : Comme vous l’avez compris elle est importante. D’autant plus que le vert est à la mode ces dernières années ! En haute joaillerie, Van Cleef & Arpels peut être considéré comme le grand spécialiste de l’émeraude. La maison avait même sorti, en 2016, une collection baptisée « Emeraude en majesté ». On peut aussi citer Dior Joaillerie qui aime utiliser l’émeraude pour ses pièces très colorées. C.N.