Certaines gemmes présentent d’intéressantes particularités appelées effets lumineux. Guillaume Le Grignou, gemmologue, gérant de la boutique-atelier Les Alchimistes de la joaillerie à Aix-en-Provence, nous explique un certain nombre de ces phénomènes.
L’OFFICIEL HORLOGERIE & BIJOUTERIE : Qu’est-ce qu’un effet lumineux en gemmologie ?
GUILLAUME LE GRIGNOU : C’est le résultat que provoque la lumière en arrivant sur certaines pierres. Il y a deux causes aux phénomènes lumineux : une chimique où la couleur est liée à la structure cristalline et une cause physique où la couleur des gemmes est liée à des phénomènes optiques.
Le résultat peut être un changement de couleur ou bien l’apparition de reflets ou de jeux colorés. Les premiers effets, dits « color change », sont liés au type de lumière (naturelle, incandescente, UV…) reçue par la gemme, les autres sont liés à son orientation sur la pierre avec à la clé des phénomènes d’astérisme, de chatoyance, d’opalescence…
L’OHB : Quelles pierres peuvent changer de couleurs… et pour quelles raisons ?
G. LE GRIGNOU : La plus célèbre est l’alexandrite. Cette gemme a été découverte en 1831 en Russie, dans l’Oural, et a été nommée ainsi en hommage au tsarévitch Alexandre, futur Alexandre II. Ce chrysobéryl chromifère a la particularité de passer du vert sous la lumière du jour au rouge sous la lumière des bougies et des éclairages incandescents.
Nous savons maintenant que d’autres gemmes possèdent cette faculté de changer de couleur en fonction du type de lumière comme certains saphirs et grenats, voire spinelles. Pour toutes ces pierres, c’est la présence de chrome et/ou de vanadium qui est à l’origine du phénomène.
L’OHB : Quels sont les autres principaux effets possibles liés au type de lumière ?
G. LE GRIGNOU : Certaines gemmes émettent une lumière plus ou moins colorée lorsqu’elles sont exposées à des rayonnements contenant des UV. Pour les diamants, la fluorescence (bleue) est un critère important qui influe sur leur prix. Ainsi une forte fluorescence dévalorise un diamant car elle peut donner l’impression que la pierre est laiteuse.
Dans un registre très proche, il y a aussi le phénomène de luminescence. En atelier, celui-ci peut permettre de distinguer les rubis (qui, sous UV, présentent une luminescence rouge) des grenats (qui demeurent inertes et sombres).
Autre phénomène encore liée à une exposition aux UV : le photochromisme qui se traduit par un passage d’une couleur à une autre lors de l’exposition aux UV puis un retour plus moins rapide à la couleur initiale, phénomène qui peut se reproduire à l’infini sans perte d’intensité.
Ce peut être le cas de certaines scapolites ou de zircons mais aussi de l’hackmanite (une variété de sodalite).
L’OHB : Vous évoquiez aussi des effets lumineux sous forme d’astérisme, de chatoyance…
G. LE GRIGNOU : En effet, ceux-ci apparaissent et disparaissent en fonction de l’orientation de la lumière sur la pierre. Ces phénomènes sont particulièrement visibles sur les pierres taillées en cabochon. L’effet est dû à la diffusion des rayons lumineux sur des éléments aciculaires parallèles comme : des fibres, des canaux, des plaquettes ou encore des cavités tubulaires.
Concernant l’astérisme, c’est un peu le même principe que la chatoyance, cependant les fines particules allongées sont disposées les unes aux autres selon deux ou trois directions coplanaires suivant la symétrie du cristal.
Résultat, on a l’apparition de raies lumineuses disposées en étoiles à quatre, six et parfois douze branches. Les ru- bis et saphirs peuvent ainsi parfois présenter de belles étoiles à six branches. Concernant la chatoyance, on parle volontiers d’effet œil de chat car le phénomène fait penser à une pupille de chat.
L’œil de chat le plus prisé est le chrysobéryl mais d’autres gemmes peuvent être chatoyantes comme les tourmalines et les quartz.
L’OHB : Y a-t-il d’autres grands phénomènes lumineux qui sont appréciés ?
G. LE GRIGNOU : Oui bien entendu. Dans les opales dites nobles on a des très beaux jeux de couleurs dont la perception change selon l’angle d’observation. Ce phénomène est dû à la diffraction de la lumière sur un empilement compact de sphérules de silice de diamètre identique assemblées dans un réseau en trois dimensions.
On pourrait aussi évoquer l’adularescence pour les pierres de lune qui présente un aspect blanc bleuté dû cette fois à un phénomène d’interférences sur des couches alternées d’épaisseur régulière de feldspath ayant des compositions chimiques différentes. Vous le voyez les phénomènes lumineux sont nombreux. Et il y en a bien d’autres !
L’OHB : Quel est l’effet le plus prisé et pour quelle pierre ?
G. LE GRIGNOU : C’est assurément le changement de couleur sur l’alexandrite. Ces pierres sont longtemps venues de Russie ; aujourd’hui les beaux spécimens viennent surtout de Tanzanie, du Kenya, de Madagascar et du Sri Lanka. Mais soyons réalistes, ce n’est pas la pierre la plus utilisée ni la plus facile à trouver en joaillerie.
Un autre phénomène très apprécié concerne les jeux de couleurs en particulier sur les opales noires d’Australie. Enfin, un bel astérisme sur un corindon ne laisse pas non plus indifférent. Les pierres à effets lumineux ne sont pas forcément très connues du grand public mais elles ont leurs afi cionados parmi les connaisseurs.
C.N.



