Les artisans bijoutiers-joailliers sont les héritiers d’un savoir-faire multimillénaire. Pourtant, aujourd’hui, avec la hausse spectaculaire du prix de l’or, les évolutions des habitudes de consommation et la désertification des centres villes en province, les défis sont nombreux.

Le premier coup infligé à la profession serait venu des franchises et de la grande distribution, véritables rouleaux compresseurs écrasant les prix et la concurrence. Pour résister, Gil Vidal, de la bijouterie Champs Élysées à Béziers (Hérault), 45 ans de métier, est formel: les artisans doivent mettre en avant leur savoir-faire.

Face à des bijoux bon marché mais standardisés, les artisans proposent des pièces sur mesure. Plus qu’un objet, le bijou devient un souvenir, le symbole d’un événement de la vie qu’on a voulu immortaliser. Il n’en est alors que plus précieux. Cette capacité à créer, à partir de bijoux de famille ou ex nihilo, constitue la base même du métier des bijoutiers-joailliers mais aussi, bien souvent, la base de leur réputation. On vient de loin pour solliciter Gil Vidal.

 

Idem pour Marc Jonca, artisan à Manosque (Alpes de Haute- Provence), connu et reconnu dans la région pour ses créations. La réparation constitue également une part majeure de leur activité. C’est même le pain quotidien du bijoutier-joaillier « de quartier ».

L’artisan doit alors composer avec toutes sortes de bijoux. En véritable médecin-urgentiste, il est capable de dire si le « patient » pourra être sauvé ou non. Il pourra aussi proposer une alternative, comme le rachat de la matière précieuse ou sa réutilisation pour créer une nouvelle pièce.

Se former

Gil Vidal et Marc Jonca ont passé plusieurs années en formation afin de toucher aux différents aspects du métier et être ainsi capables de créer un bijou de A à Z. Aujourd’hui, le CAP « art et techniques de la bijouterie » comprend trois options : bijouterie, sertissage et polissage.

Chaque diplôme se prépare en un an ou deux (en alternance). Cette formation, à la fois rapide et très spécialisée, répond à la demande des ateliers des grandes maisons et de leurs sous-traitants. En effet, face à la hausse des commandes post-Covid et aux départs à la retraite, ces ateliers ont eu un besoin urgent de main-d’oeuvre.

 

Or, dans ces structures, les tâches sont strictement cloisonnées. Un opérateur n’a pas vocation à devenir multitâche, au contraire, il doit devenir un expert dans sa spécialité.

Pour maîtriser toutes les étapes de la création d’un bijou, un apprenant devrait donc passer les trois CAP auxquels il faudrait éventuellement ajouter un certificat de spécialisation en joaillerie ou un brevet des métiers d’art (pour réaliser des pièces plus complexes), voire un diplôme en design. Une autre solution est de se former sur le tas, seul ou auprès d’un artisan disposé à transmettre son savoir.

Se diversifier

On comprend dès lors les inquiétudes de la profession pour son avenir. Pourtant, le travail ne manque pas pour ces artisans de proximité. A côté de la réparation et de la création, d’autres activités sont exercées et confortent la pérennité des entreprises. Gil Vidal, comme Marc Jonca, ont opté pour la diversification.

Gil Vidal propose, en association avec son épouse, Nathalie Abbou Vidal, experte en bijoux et pierres, une activité de dépôt-vente. L’intérêt est double : attirer en boutique une nouvelle clientèle, souhaitant vendre ou acheter des bijoux anciens, et constituer un stock de matières précieuses à peu de frais.

 

Marc Jonca, lui, est détaillant pour différentes marques, qu’il choisit « au coup de cœur ». Il admet d’ailleurs apprécier l’alternance entre la solitude de la cheville et l’animation de la boutique, en contact direct avec la clientèle. Autre possibilité : le rachat d’or.

Dans ce cas, l’artisan devra redoubler de pédagogie, étant donné la méconnaissance du grand public à ce sujet, renforcée par l’utilisation de l’appellation « or » pour les alliages 585 ‰ et 375 ‰. Mais c’est justement grâce à son savoir et à ses conseils avisés qu’il pourra faire la différence et fidéliser sa clientèle.

Les artisans bijoutiers-joailliers sont des équilibristes, entre tradition et adaptation. Avec leur savoir-faire, ils s’inscrivent pleinement dans le luxe actuel, authentique et durable. Il ne manque plus qu’à le faire savoir.

L.B.