Comme chaque année, le très attendu rapport Morgan Stanley x Luxe Consult dévoile son analyse sur la situation de l’horlogerie suisse. 2025 serait une année de repositionnement pour le marché horloger qui se restructure autour de ses piliers historiques : Rolex la marque dominante, suivie de Cartier et Omega et des indépendants toujours plus influents.

Après plusieurs années de croissance, le marché de l’industrie de l’horlogerie suisse observe un ralentissement dû aux profonds changements qui transforment le secteur, avec une concentration du pouvoir par quelques marques, une évolution des habitudes de consommation et une différenciation forte entre le segment ultra-luxe et le reste de l’industrie.

 

En 2024, les exportations de l’industrie suisse, en baisse de 3 % à 25,9 milliards CHF, ont été équilibrées par une augmentation du prix moyen des montres exportées. Devant cette situation, les marques positionnées dans l’ultra- luxe ont non seulement maintenu leurs performances mais ont également renforcé leur emprise sur le secteur.

Rolex : maître du marché horloger

Le marché horloger, polarisé autour des « Big Four », à savoir Rolex, Patek Philippe, Audemars Piguet et Richard Mille, a capté 47 % du marché total, enregistrant une progression de 300 points par rapport à 2023.

Ces chiffres confirment la concentration du marché entre les mains d’acteurs clés, tandis que les marques de milieu de gamme peinent à maintenir leur compétitivité face à la montée en puissance du segment ultra-luxe.

 

Dans ce contexte, les performances des principales marques ont suivi des trajectoires différenciées. Rolex, leader incontesté du marché, a vu ses ventes légèrement reculer, avec 1 176 000 montres écoulées en 2024 contre 1 240 000 l’année précédente.

Mais la marque a cependant consolidé sa position en tête avec un chiffre d’affaires estimé à 10,5 milliards CHF, soit 32 % du marché total. Patek Philippe a dépassé la division horlogère de LVMH, avec 72 000 montres vendues en 2024 et une part de marché de 6,5 %, confirmant son positionnement parmi les marques les plus désirées.

Audemars Piguet a maintenu sa croissance avec 51 000 unités écoulées, tandis que Richard Mille, avec seulement 5 700 montres vendues, domine le marché des pièces exclusives, avec un prix moyen pour celles-ci estimé à 270 000 CHF.

Cartier et Omega

Derrière Rolex, Cartier (Groupe Richemont) et Omega (Swatch Group) restent les deux autres piliers de l’horlogerie suisse. Cartier Watches réalise un chiffre d’affaires de 3,18 milliards CHF, avec 680 000 pièces écoulées, soit une valeur moyenne de 5 692 CHF par montre. La marque conserve ainsi sa position de leader du segment horloger du groupe Richemont.

Omega, en troisième position, enregistre 2,3 milliards CHF de revenus, avec 505 000 montres vendues et un prix moyen de 6 720 CHF. Malgré une stratégie plus axée sur la production de masse, Omega maintient un positionnement fort grâce à ses modèles iconiques, comme la Speedmaster et la Seamaster.

 

Du côté du groupe LVMH, la stratégie de montée en gamme se confirme avec une proposition et des marques éclectiques. TAG Heuer et Hublot réalisent respectivement 670 et 495 millions CHF de chiffre d’affaires (contre 615 et 670 millions l’an dernier).

Les résultats sont en baisse chez Hublot mais Tag Heuer, qui se distingue dans le segment du luxe sportif et de la haute horlogerie contemporaine, fait un retour remarqué en formule 1.

Les indépendants

L’étude souligne la progression des indépendants ultra- luxueux comme F.P. Journe, Greubel Forsey ou de Bethune, qui tirent profit de la demande croissante pour des pièces rares et ultra-exclusives. Leur production limitée et leur savoir-faire artisanal répondent aux attentes d’une clientèle sensible à l’exclusivité et à la différenciation.

Les montres accessibles

Le segment des montres accessibles continue de souffrir, avec une baisse marquée des exportations pour les modèles de milieu de gamme. Ainsi TAG Heuer, Longines ou Tissot, avec leurs modèles à moins de 3 000 CHF, subissent une pression accrue face à la progression des montres connectées et au ralentissement des demandes chinoises et américaines.

Le domaine horloger monte en gamme et ce sont les montres à plus de 50 000 CHF qui ont contribué à 33,5 % de la valeur totale du marché et ont généré 84 % de la croissance de l’industrie.

Le marché de la seconde main

Le marché secondaire progresse, porté notamment par la spéculation sur certaines références. Rolex, Audemars Piguet et Patek Philippe, dont les modèles phares se revendent souvent au-dessus de leur prix catalogue, bénéficient indirectement de cette dynamique.

À l’inverse, les marques dont la valeur résiduelle s’érode plus rapidement rencontrent davantage de difficultés à convaincre les consommateurs d’investir dans leurs nouveautés.

 

Les marques doivent également faire face à un marché en mutation, soumis à la digitalisation et à la montée en puissance des ventes directes aux consommateurs. Afin de renforcer l’exclusivité de leur offre, Patek Philippe comme Audemars Piguet ont choisi de gérer leur distribution, tandis que Rolex a fait l’acquisition de Bucherer.

Aujourd’hui, l’horlogerie traverse une phase de transition avec un ralentissement général de la demande et une concentration du marché autour d’un nombre restreint d’acteurs dominants. Les marques doivent revoir leur positionnement pour rester compétitives dans un secteur de plus en plus sélectif et exigeant.

N.K.