Avec un éclat semblable à celui du diamant et une large palette de couleurs, le zircon présente de réels atouts pour la création joaillière. À la tête d’une maison spécialisée dans le négoce de pierres, Emmanuel Piat détaille l’intérêt et l’histoire de cette gemme.
L’OFFICIEL HORLOGERIE & BIJOUTERIE : Quelles sont les spécificités du zircon et ses atouts pour la joaillerie ?
EMMANUEL PIAT : C’est une pierre qui brille autant que le diamant et qui est beaucoup plus accessible sur un plan financier. Avec un indice de réfraction élevé et une forte dispersion, le zircon, dans sa variété incolore, constitue un substitut intéressant au diamant.
Mais cette gemme existe aussi dans de nombreuses couleurs : brun, rouge, jaune, bleu, vert… Si les teintes les plus fréquentes à l’état naturel varient du doré au rouge-brun, il est relativement aisé de les modifier et de les éclaircir par un traitement thermique doux.
Aujourd’hui la plupart des zircons incolores présents sur le marché proviennent d’ailleurs de spécimens brun rouge traités thermiquement. Selon le degré de chauffage on peut aussi obtenir de belles teintes dorées ou bleues.
Pour les créateurs le zircon est intéressant mais il est relativement fragile avec une dureté comprise entre 6,5 et 7,5 sur l’échelle de Mohs. Il est donc, à priori, préférable de le monter sur un pendentif ou des boucles d’oreilles plutôt que sur une bague.
L’OHB : Quelle est l’histoire et le parcours de cette pierre ?
E. PIAT : C’est un silicate de zirconium qui fait partie des plus vieux minéraux terrestres connus. En 2014 on a retrouvé en Australie un fragment datant de 4,3 milliards d’années ! Le zircon est aussi depuis longtemps utilisé par l’homme.
Il figure sur des bijoux et des amulettes datant de l’Antiquité. Au Moyen-Age les spécimens rouges, alors surnommés hyacinthes, étaient particulièrement appréciés. Puis les incolores ont été fréquemment utilisés comme substituts du diamant.
Mais l’arrivée sur le marché il y a une cinquantaine d’années de l’oxyde de zirconium synthétique, aussi nommé zircone cubique, a porté préjudice à cette gemme : par son nom, elle s’est retrouvée associée à un matériau de synthèse très bon marché. Aujourd’hui il y a encore trop souvent une confusion entre les deux.
L’OHB : Quelle est sa place actuelle dans la création ?
E. PIAT : En raison de son éclat et de son prix très raisonnable, le zircon est très apprécié dans la petite et moyenne bijouterie. Mais il n’est pas absent pour autant de la haute joaillerie qui recherche de plus en plus des matières originales.
Ainsi Louis Vuitton avait intégré en 2023, parmi les créations de sa collection Deep Time, une parure associant une rivière de zircons à des opales, des diamants et un imposant saphir jaune. Plutôt discret sur la scène joaillère, le zircon suscite un certain intérêt qui a toutes les raisons d’aller crescendo.
L’OHB : Quelles sont les couleurs les plus appréciées ?
E. PIAT : La variété incolore reste très prisée… suivie par la bleue qui a le vent en poupe. Pour éviter tout risque de confusion et maximiser leur potentiel commercial, les zircons bleus ont même été rebaptisés cambolite.
C’est un clin d’œil au pays qui fournit les plus beaux, à savoir le Cambodge dont les gisements se situent dans la province de Ratanakiri, à l’extrême nord-est, dans la zone frontalière avec le Laos et le Vietnam. Parmi les autres couleurs intéressantes pour les zircons, il y a le rose-orangé, proche des tourmalines padparadscha. Et puis après il y a toutes les autres couleurs : jaune, brun, vert…
L’OHB : Quels sont les principaux pays producteurs ?
E. PIAT : On trouve d’importants gisements au Sri-Lanka, en Inde, à Madagascar, au Nigéria, en Tanzanie, au Cambodge, en Australie ou encore aux Etats- Unis. On a même découvert en France des petits zircons rouges : en Haute Loire dans le Riou Pezzouiliou à Espaly. En fait cette pierre est présente dans de nombreux pays… ce qui explique son prix très raisonnable.