Cette pierre offre une grande variété de couleurs, dont un très prisé bleu électrique appelé paraíba. Experte gemmologue et enseignante, fondatrice de Gemmes ô jolies, Anne Quédillac nous présente la riche famille minérale qui se cache derrière le terme tourmaline.
L’OFFICIEL HORLOGERIE & BIJOUTERIE : Vous avez une prédilection pour les tourmalines. Pourquoi ?

ANNE QUEDILLAC : Parce que cette pierre offre une grande diversité de couleurs. Les spinelles et les grenats sont aussi multicolores mais la tourmaline a la particularité de pouvoir afficher sur un même brut des zones successives de couleurs différentes. D’où son surnom : « minéral arc-en-ciel ».

Dans ce registre on connaît surtout la tourmaline melon d’eau : rose et verte. Mais il y en a d’autres… Par exemple la tourmaline tête de maure : incolore avec une terminaison noire. Et dans un autre registre, certaines tourmalines taillées en cabochon peuvent présenter de séduisants effets œil de chat.

L’OHB : Quelle est la place de cette pierre dans l’univers de la bijouterie-joaillerie ?

A. QUEDILLAC : La tourmaline est un cyclosilicate et une espèce minérale à elle seule qui fédère 14 sous-groupes principaux liés à des compositions chimiques différentes. En gemmologie on en compte trois : l’élbaïte (dont le nom vient de l’île d’Elbe où a été découvert l’un des premiers cristaux), la liddicoatite et la rossmanite.

Mais en joaillerie, quand on parle de tourmaline, on fait référence avant tout à l’elbaïte. Parmi toutes les couleurs qu’elle peut présenter, il y a surtout un très féminin rouge-rose appelé rubellite et un très attractif bleu électrique nommé paraíba.

 

C’est la présence d’atomes de cuivre et de manganèse qui donne à cette dernière cette étonnante couleur lumineuse, appréciée jusque dans la haute joaillerie. La maison Dior, par exemple, en a utilisé un certain nombre dans sa collection inspirée des jardins en 2017.

J’ai notamment en mémoire une bague baptisée « Hameau de le Reine » en or jaune, diamants, tourmaline de type paraíba, grenats tsavorites, grenats spessartites, rubis et saphir jaune. Somptueux !

L’OHB : Les tourmalines paraíba ont investi le marché de la bijouterie-joaillerie de manière assez récente…

A. QUEDILLAC : En effet, elles ont été découvertes au début des années 80 au Brésil, à Paraíba ! D’où leur nom. Mais on trouve des tourmalines avec le même bleu électrique au Nigéria, Mozambique ou encore Namibie et aujourd’hui on les appelle aussi paraíba.

L’OHB : Vous évoquiez aussi les rubellites. Leur histoire est plus ancienne…

A. QUEDILLAC : Oui. Ces tourmalines rouges ou roses très saturées ont longtemps été confondues avec les rubis, comme les spinelles d’ailleurs. Certaines ornent ainsi des bijoux historiques. La plus célèbre d’entre elles, nommée le Rubis César, est une rubellite de 250 carats.

Cette gemme a été offerte en 1777 par le roi Gustav III de Suède à Catherine II de Russie. L’impératrice ne voulant pas l’abîmer en la taillant, elle fut simplement polie et montée en pendentif ornée de feuilles d’émail, évoquant une grosse framboise.

L’OHB : Quels sont, en joaillerie, les points négatifs des tourmalines ?

A. QUEDILLAC : Elles ont un éclat et une brillance moindres que d’autres gemmes. Et elles peuvent être complexes à tailler. En revanche elles ont une dureté très correcte : 7,5 sur l’échelle de Mohs.

L’OHB : Qu’en est-il des traitements ?

A. QUEDILLAC : Il s’agit surtout de traitements thermiques pour améliorer les couleurs.

L’OHB : Vous évoquiez les particularités des bruts…

A. QUEDILLAC : Oui ils sont souvent très bien formés et peuvent être multicolores. Taillés en tranches par exemple, certaines tourmalines, comme la melon d’eau, sont utilisées en gemme sur des bijoux… ou en pierre ornementale. La tourmaline concerne aussi beaucoup le marché de collectionneurs.

L’OHB : Où trouve-t-on les principaux gisements ?

A. QUEDILLAC : On peut citer le Brésil, la Namibie, le Nigéria, le Mozambique, mais aussi Madagascar, le Sri Lanka, le Pakistan… et même les Etats- Unis. En fait on en trouve dans de nombreuses localités.

L’OHB : En tant qu’enseignante indépendante, proposez-vous des formations thématiques sur des gemmes particulières… comme les tourmalines ?

A. QUEDILLAC : Un atelier sur les tourmalines ? Pourquoi pas un jour… En fait mon objectif est de partager les connaissances en les rendant accessibles à tous. Ex-enseignante à l’ING, je propose des formations théoriques et pratiques qui s’adressent autant aux amateurs avertis qu’aux professionnels. Il n’y a pas de diplôme à la fin mais une meilleure compréhension des gemmes.

C.N.
Contact : anne@gemmesojolies.fr