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Deux sujets d’actualité qui mobilisent le LFG et inquiètent les acteurs de la filière. Entretien avec Oliver Segura, directeur du Laboratoire Français de Gemmologie.

Rubis du Mozambique :
un diagnostic de chauffe basse température difficile à établir


Quelle est votre préoccupation aujourd’hui en ce qui concerne les rubis du Mozambique ?

Les rubis du Mozambique représentent une proportion très importante des rubis vendus dans le monde. Ce sont des gemmes qui peuvent être d’une très belle qualité et produites en grande quantité, ce qui est exceptionnel sur le marché du rubis. C’est pourquoi nous sommes confrontés à un réel problème en ce qui concerne les traitements à basse température. Certains de ces rubis sont certifiés chauffés basse température et d’autres non alors qu’ils ont exactement la même origine et n’ont jamais été chauffés artificiellement. En effet, certains laboratoires attribuent des critères de traitement thermique basse température à des gemmes, alors que ces mêmes critères se retrouvent dans des rubis non chauffés. Il se peut en effet que l’histoire géologique des gemmes montre des épisodes ou la pierre se trouve dans des conditions identiques aux traitements basse température menés par l’homme. Par ailleurs, certaines études indiquent également que des rubis chauffés à basse température ne voient pas leurs inclusions modifiées. Ce n’est donc pas un critère qui doit être utilisé.

Pourquoi les laboratoires ne sont-ils pas tous d’accord sur ce fait ?
Normalement, cela devrait être le cas, mais il se pose alors un problème d’ordre commercial. Certains laboratoires se revendiquent plus
« stricts » et « savants » et précisent que certaines pierres ont subi des traitements basse température, alors que cela n’est pas correct et ne peut pas être prouvé sur le plan scientifique. Les clients à la recherche de pierres non chauffées exclusivement risquent donc d’écarter ces pierres alors que leur couleur est totalement naturelle. Au LFG, notre position est de ne pas discriminer ces gemmes car, scientifiquement encore une fois, cela ne se justifie pas. Cette situation est actuellement difficile pour le marché.

La quantité de rubis chauffés en circulation est-elle importante ?
C’est probablement de l’ordre de plus de 50 % et c’est un vrai marché. Dans la mesure où le traitement thermique est annoncé, cela ne pose aucun problème. Ces pierres doivent bien entendu exister sur le marché, cela permet de soutenir l’activité et le développement des mines. La vente des pierres naturelles de couleur exceptionnelle ne suffirait pas à maintenir l’exploitation. Dans ses ventes aux enchères, la société Gemfields (propriétaire des mines du Mozambique) présente des lots de bruts destinés à subir des traitements thermiques et des lots de bruts à tailler simplement.

Diamants de synthèse : encore des progrès

Avez-vous de plus en plus de mal à déceler les pierres de synthèse dans les analyses ?

Le problème est important car nous trouvons parfois jusqu’à 20 % de synthétiques dans les lots de diamants mêlés jaunes. L’inquiétude concerne maintenant les mêlés incolores synthétiques entre 7 et 15 dixièmes, que certains laboratoires trouvent de plus en plus fréquemment. Les diamants synthétiques sont plus faciles et moins coûteux à produire, que ce soit par la méthode HPHT ou CVD. Les technologies progressent et par ailleurs le coût de l’énergie diminue, or ces fabrications sont énergivores. Les fabricants sont en général transparents, mais il peut y avoir ensuite, lors de la chaîne commerciale des pertes d’information ou des volontés de fraude, d’où un réel souci.

Les laboratoires peuvent-ils tous détecter les synthétiques ?
Il faut avoir le matériel adéquat, c’est-à-dire au minimum pouvoir tester la photoluminescence (grâce à un spectromètre Raman), un équipement coûteux et complexe à utiliser, que le LFG ainsi que d’autres grands laboratoires possèdent. Par ailleurs, nous sommes en permanence dans une « course aux armements » car les techniques des fabricants de diamants synthétiques progressent. Par exemple dans les diamants traités par méthode HPHT, ils arrivent à réintroduire des caractéristiques spectrométriques habituellement attribuées aux diamants non traités.

Quels sont les acteurs les plus en pointe sur l’information dans ce domaine ?

La De Beers possède un centre de recherche du diamant (De Beers Laboratory of Diamond Research) très important car elle est à la fois exploitant de mines et fabricant de diamants synthétiques. Elle est donc une source d’information précieuse et publie sur le sujet. Par ailleurs Aurélien Delaunay, le responsable du département diamant au LFG, maintient une veille scientifique constante et coopère avec l’Université de Nantes à la recherche fondamentale sur ce sujet.

Le diamant synthétique est-il une menace sur le marché ?
Récemment, Leonardo DiCaprio s’est associé à un fabricant de diamants synthétiques*, ce qui donne une résonance particulière dans les médias. Le diamant synthétique aura sans doute sa place sur le marché mais la filière du diamant naturel devra renforcer son approche pédagogique du client, expliquer en quoi le diamant naturel n’a rien à voir avec le diamant de synthèse, l’histoire complexe de cristallisation, la difficulté de prospection et la complexité de l’extraction. Je ferais un parallèle avec l’arrivée sur le marché de la perle de culture qui a totalement anéanti le marché de la perle fine. Il faudra rester très vigilant sur ce sujet.

* Diamond Foundry : voir « Quand Leonardo DiCaprio sponsorise des diamants fabriqués en usine » – Le Figaro – 21/11/2015