En bout de chaîne de la fabrication d’un bijou, le polisseur vient peaufiner la pièce pour la finaliser et la perfectionner.

Le polissage n’est pas simplement l’action de frotter un bijou jusqu’à ce qu’il brille. La réalité du métier de polisseur est plus complexe et nécessite de la part des polisseurs une compréhension parfaite de la pièce qu’ils travaillent, afin de poser le bon diagnostic pour lui donner de l’éclat.

Un métier exigeant, plutôt sous-coté, qui se révèle fondamental dans la conception d’un bijou. Trois polisseurs nous en parlent.

Un métier exigeant…

Le polissage consiste à travailler différents états du métal à l’aide d’outils abrasifs, afin de finaliser et peaufiner un bijou. «Un polisseur fait 70 % de préparation et d’émerisage pour seulement 30 % de polissage» explique Adrien Galloni d’Istria, enseignant. «Moins on polit, mieux la pièce se porte.»

 

En tant que dernier maillon de la chaîne, le polisseur a la responsabilité de préserver le travail réalisé par les artisans qui l’ont précédé. « Je répète souvent à mes étudiants que le polisseur est l’urgentiste du métal, explique-t-il. En un coup d’œil, il doit savoir où en est la préparation du bijou et quel soin lui apporter pour qu’il soit le plus joli possible. »

Aucune place n’est laissée à l’erreur. « Nous créons l’âme de la pièce. Si le polissage n’est pas parfait, rien ne fonctionne » estime Mehdi Tebani, polisseur en Suisse. Chaque irrégularité, si minime soit-elle, peut engendrer des coûts importants pour les grandes maisons et le contrôle qualité est particulièrement exigeant.

« Quand je travaillais pour un sous-traitant d’une grande maison de la place Vendôme, les intérieurs de bagues étaient contrôlés à la binoculaire. La moindre micro-rayure entraînait alors une reprise, même si aucun client ne l’aurait remarqué » se remémore de son côté Tom Bonin, polisseur à Paris. «Sachant que les délais sont courts et le rendement élevé, le métier est stressant et difficile.»

… mais peu valorisé

« C’est un métier très technique, indispensable, mais pas toujours reconnu à sa juste valeur par le grand public » regrette ce professionnel. En effet, le métier de polisseur attire peu de nouvelles recrues et subit des tensions entre l’offre et la demande.

C’était particulièrement vrai ces dernières années du fait de la très forte activité des grandes maisons. C’est toutefois un peu moins sensible cette année du fait du ralentissement des ventes. Mais pour Mehdi Tebani, «le polissage souffre d’un manque de vocations, notamment parce qu’il n’est pas aussi visible que d’autres métiers artisanaux. Pourtant il est fondamental.»

 

Par manque d’envie, mais aussi de formations adaptées et de rémunérations suffisantes, l’univers de la joaillerie peine à trouver des profils qualifiés. Or ce métier ne s’improvise pas. «C’est un métier clé, même s’il est discret» estime le polisseur helvète.

Malgré ces difficultés, les experts en polissage restent passionnés par leur métier. «Il y a une réelle fierté à sublimer une pièce, à révéler sa lumière, à assurer les toutes dernières finitions avant qu’elle ne rejoigne un écrin » note Tom Bonin. «C’est un savoir-faire exigeant, qui ne s’acquiert qu’avec du temps, de la rigueur et beaucoup de pratique. Et c’est aussi ce qui en fait toute la noblesse. »

 

Un métier au féminin

En bijouterie-joaillerie, le rôle de polisseur a longtemps été occupé par des femmes. Au XVIIIe siècle, le quartier du Marais, à Paris, rassemblait de nombreux bijoutiers. Dans leurs ateliers, c’étaient en effet des polisseuses qui donnaient de l’éclat aux bijoux, car on appréciait alors leur minutie et leur dextérité. Certaines images d’époque les montrent avec leurs cheveux noués dans des foulards afin d’éviter qu’ils ne se prennent dans les outils à polir.

 

Mais le métier de polisseur était également féminin car peu considéré et négligé. Au cours des siècles suivants, il est resté peu valorisé dans l’univers de la bijouterie. Le polissage nécessite, il est vrai, un travail long et fastidieux, voire ingrat.

«C’est un métier parfois pénible» reconnaît Adrien Galloni d’Istria. «Nous sommes les ramoneurs du métal, on est dans la poussière à longueur de journée, mais on donne vie à des pièces magnifiques et on sublime le travail de plusieurs corps de l’artisanat. Et ça, c’est une grande fierté !»

A-F. S.