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Delphine Vitry dirige MAD, un cabinet conseil leader dans le luxe qui accompagne les marques et les Maisons dans leur transformation. L’OHB l’a interviewée début avril, alors que nous ne savons pas encore dans quelle mesure le covid-19 va rebattre les cartes. Ses propos restent donc au conditionnel.
L’OFFICIEL HORLOGERIE & BIJOUTERIE : Quelles sont les préoccupations des marques et des Maisons de luxe aujourd’hui ?

DELPHINE VITRY : La vision des « vraies » Maisons de luxe est drivée essentiellement par la création, qui est leur raison d’exister. Elles ont donc une culture centrée sur la création plus que sur le client mais aujourd’hui, elles doivent répondre à des défis concernant justement la gestion de ces clients. Les problèmes peuvent être de différentes natures.
Accompagner une croissance très forte, comme c’est souvent le cas en Chine, suppose d’adapter rapidement le retail, la communication digitale ou la gestion des clients.
Deuxième sujet, ces clients sont eux-mêmes protéiformes, agiles et ils prennent la parole. La marque a alors besoin d’établir solidement son identité, de faire connaître son univers et sa vision du monde.
Enfin, troisième type de problème, la marque traverse une période de difficulté et elle a besoin de faire un bilan. Chacun de ses composants doit être analysé : positionnement, perception, expérience client, circuit de distribution… Un œil extérieur est alors indispensable.

L’OHB : Pensez-vous que la pandémie que nous traversons pourrait changer la donne sur le long terme ?

D. VITRY : Le covid-19 pourrait accélérer certaines tendances. Prenons la Chine, qui représentera à moyen terme 50 % de la clientèle du luxe.
Les Chinois sont de plus en plus incités par leur gouvernement (réduction des taxes), et par les marques (harmonisation des prix internationaux) à acheter localement et non plus à l’étranger où ils trouvaient des prix bien plus intéressants. Cette tendance risque de s’accentuer, les touristes chinois du luxe voyageant moins que prévu. Il s’agira alors pour les marques de repenser leur stratégie dans tous les domaines pour s’adapter. Notre principal client est SKP, le plus grand mall de luxe en Chine, ce qui nous permet d’être en première ligne pour observer le marché. Cette expérience est très profitable à nos clients.

L’OHB : Qu’appelez-vous la « culture du changement » dans le luxe ?

D. VITRY : Dans notre métier, ce que nous devons évaluer sans compromis, c’est la cohérence parfaite entre la marque, ses valeurs et ses expressions. Avec la crise du covid-19, les marques ne communiquent plus sur leurs produits mais sur des valeurs et cherchent à prendre une place dans le monde.
Par exemple, Chanel et Hermès ont pris des positions nouvelles et c’est un exemple de cette « culture du changement » dont les Maisons de luxe ont besoin. Même si ces valeurs étaient latentes, le covid-19 les aura poussées à s’extérioriser, accélérant le changement. Demain, les marques seront incitées à se raconter davantage, au-delà de leurs lignes de produits.

L’OHB : La place du storytelling est-elle importante dans les Maisons de luxe ?

D. VITRY : Le storytelling est majeur, sinon cela supposerait que le produit est « autoportant », ce qui n’est pas le cas. Les Maisons ont beaucoup à raconter sur leur histoire, leurs savoir-faire, leurs valeurs…
Mais le meilleur storytelling reste celui que partage le vendeur avec le client. Les contenus digitaux font évidemment partie des piliers de ce storytelling. Gucci, Louis Vuitton proposent des expériences très riches. Citons aussi l’hôtel de Nocé, occupé par Boucheron depuis 1893 au 26, place Vendôme. Il vient d’être rénové et porte l’histoire du joaillier avec beaucoup d’émotion, au-delà de ses créations. C’est un trésor de storytelling.

L’OHB : Pouvez-vous nous parler de MAD Talents et MAD Academy ?

D. VITRY : Nous accompagnons les Maisons dans la transformation et la mise en place de nouvelles stratégies. Pour les mener à bien, nous avons à coeur que l’exécution de nos propositions soient portées par les bonnes personnes et parfois, nos clients ne disposent pas de ces ressources en interne. Donc, avec MAD Talents, nous les recrutons au bon niveau et avec leur juste place dans l’organigramme. Par exemple, recruter un directeur pour la Chine, cela peut recouvrir beaucoup de réalités et notre présence dans le pays est un atout.

La vocation de MAD Academy est d’accélérer le changement, d’ «embarquer » ces talents avec une bonne formation. Les Maisons savent très bien former aux produits mais si vous décidez de faire grandir l’expérience client, il faut aller plus loin. J’aime ce proverbe « Le poisson pourrit par la tête ». Si le management n’est pas convaincu du fait que le relationnel, l’interaction avec le client sont fondamentaux, inutile de former les équipes de vente. I.H.

* En 2018, Delphine Vitry a publié avec Jean Revis « MAD about luxe ». Le livre décrypte les nouvelles pratiques dans l’univers du luxe et donne une analyse concrète et vivante de ses observations sur le terrain.

madnetwork.fr